Douleur, stress, émotions et énergie...
- ludovicgermont
- 13 août
- 6 min de lecture

Acte 1. Douleur et émotion
Un ami médecin était à bout de fatigue, de stress, trop de monde au cabinet. Il disait à sa secrétaire: "je ne vais pas tenir jusqu’aux vacances". Un soir en regardant la télé, il sent une douleur dans sa poitrine, pas très intense mais plutôt anormale. Il va chez son voisin cardiologue, fait une prise de sang: le muscle cardiaque commençait à souffrir à cause d’un spasme coronarien. 3 mois d’arrêt de travail et le coeur qui fut endommagé.
Avec le stress et les émotions, nous avons des spasmes de différents muscles: des artères, des intestins, des muscles squelettiques… Et pourtant le stress et les émotions sont là pour nous aider à faire face à certaines situations, à réagir plus vite, et à obtenir l’énergie nécessaire pour y arriver… Certes. Mais quand on n'arrive plus à faire face...
Si un grand nombre de troubles musculosquelettiques sont liés à l’inactivité, un probablement aussi grand nombre est aussi lié à la gestion de nos émotions...
Acte 2. L’isolement émotionnel
Dans notre monde moderne, nous côtoyons de moins en moins les autres directement. Beaucoup d'entre nous, et beaucoup de jeunes, regardent vivre les autres à travers des vidéos, des photos, des shorts. Sans interactions réelles propre. Plus assez en tous cas.
Or notre survie mentale et physique dépend de notre appartenance à un groupe. Vous ne parleriez pas sans autres humains. Il nous faut développer des interactions fortes, profondes avec les autres. Ces interactions font naître des tas d’émotions que l’on partage. Sans l’intérêt direct et la curiosité de l’autre, il n’y a pas d’attachement et pas assez de cohésion de groupe.
Pire, dans son dernier livre: « quand on tombe amoureux, on se relève attaché », Cyrulnik explique que cette génération ne souhaite plus s’attacher et donc tomber amoureux. Elle ne souhaite plus explorer l’un des sentiment les plus puissant qui existe. Et une vie avec moins d’attachements, moins d’émotions, moins d’interractions humaines est une vie moins heureuse et plus courte. On se sent moins vivant.
Acte 3. Le contexte.
Google, Facebook, ... dépensent des millions en recherche pour créer des moyens de détection des émotions, et ils se posent fondamentalement la mauvaise question, parce qu'ils essaient de détecter les émotions dans le visage et le corps. Or les émotions ne sont ni sur le visage ni sur le corps. Les mouvements physiques n'ont pas de signification émotionnelle propre. C'est à nous de leur donner un sens. Un humain doit les relier au contexte, et c'est cela qui leur donne un sens. Voilà comment nous savons qu'un sourire pourrait signifier la tristesse et un pleur pourrait exprimer du bonheur (pleurs pendant un mariage…).
NB: de la même façon, 50% des mots que nous utilisons ont plusieurs sens, ainsi seul le contexte nous fait comprendre la signification d'une phrase.
Acte 4. Les émotions sont des prédictions.
Votre cerveau est essentiellement en train de faire des prédictions, des suppositions qu'il construit dans le moment. Votre cerveau est déjà pré-câblé pour construire des sensations, sentiments simples qui viennent du fonctionnement de votre corps. Dès votre naissance, vous pouvez créer des sensations comme le calme et l'agitation, l'excitation, le confort, l'inconfort. Mais ces sentiments simples ne sont pas des émotions, mais de simples synthèses de ce qui se passe à l'intérieur de votre corps, un peu comme des baromètres. Mais ils ont très peu de détails, et vous avez besoin de ces détails pour décider quoi faire ensuite. C'est ce que les prédictions sont. Les prédictions relient les sensations dans votre corps qui vous donnent ces simples sensations avec ce qui se passe autour de vous pour savoir quoi faire. Et parfois, ces constructions sont des émotions.
Les émotions qui semblent vous arriver sont en réalité créées par vous-même. Vous n'êtes pas à la merci de circuits d'émotions mythiques enterrés tout au fond d'une partie de votre cerveau. Vous contrôlez plus vos émotions que vous ne le pensez.
Acte 5. Les autres régulent votre énergie.
Dans certaines situations où les ressources alimentaires sont rares et où la survie devient critique, le cerveau va diminuer tout ce qui coûte de l’énergie, le stress, les réponses immunitaires, inflammatoires… cela explique en parti pourquoi l'activité physique fait du bien.
Plus étonnant encore: vous reconstituez les ressources de votre corps en mangeant, en buvant et en dormant, et vous réduisez les dépenses de votre corps en vous relaxant avec vos proches. Activité la plus relaxante, la relation sexuelle, dans le monde animal, permet entre autre de déstresser, s’attacher, réguler son énergie…
Pour gérer toutes ces dépenses et les reconstituer, votre cerveau doit constamment prédire les besoins énergétiques de votre corps.
Toutes les régions du cerveau qui sont censés être un foyer d’émotion chez l’homme sont des régions de budgétisation du corps au sein du réseau de nos perceptions internes. Ils ne réagissent pas à quelque chose. Ils prédisent pour réguler votre budget corporel. Ils émettent des prédictions pour les images, les sons, les pensées, les souvenirs, l’imagination et, oui, les émotions.
Ainsi nos sensations sont analysés pour réguler notre budget énergétique, mais d’autres personnes régulent également votre budget corporel.
Lorsque vous interagissez avec vos amis, parents, enfants, amants, coéquipiers, thérapeutes ou autres compagnons proches, vous et eux synchronisez la respiration, les battements de cœur et d’autres signaux physiques, ce qui conduit à des signaux tangibles. Tenir la main de vos proches, ou même garder leur photo sur votre bureau au travail, réduit l’activation dans les régions de votre budget corporel et vous rend moins dérangé par la douleur.
Si vous vous tenez au bas d’une colline avec des amis, cela semblera moins raide et plus facile à monter que si vous êtes seul. Et ce n'est pas qu'une question d'attention.
Lorsque vous perdez une relation étroite et amoureuse et que vous vous sentez physiquement malade à ce sujet, une partie de la raison en est que votre proche ne vous aide plus à réguler votre budget.
Conclusion
Les sensations générales agréables, désagréables, excitées et calme de l’affect ne viennent pas vraiment de l’intérieur de votre corps. Ils sont pilotés par des simulations dans votre réseau interoceptif. En bref, vous ressentez ce que votre cerveau croit. Et c’est pour cette raison que vos croyances, votre vision de monde, des autres amènent à se sentir bien ou non, et le cerveau va créer du bien être ou parfois des douleurs.
Vous pourriez penser que les choses que vous voyez et entendez influencent ce que vous ressentez, mais c’est surtout l’inverse : ce que vous ressentez altère votre vue et votre ouïe. Vos sensations ont plus d’influence sur la perception et la façon dont vous agissez, que le monde extérieur. D'ou l'intérêt de chercher à se sentir bien, et de chercher à penser positivement, au lieu de vivre dans la colère.
Vos sentiments affectifs de plaisir et de mécontentement, de calme et d’agitation sont de simples résumés de votre état budgétaire.
Lorsque votre budget est déséquilibré, votre affect ne vous indique pas comment agir d’une manière spécifique, mais il incite votre cerveau à chercher des explications et des solutions.
Les autres sont une solution, d’où l’importance de garder du temps pour le passer avec des personnes qui vous sont proches et qui vous font du bien.
Épilogue.
Il est fondamental de développer les relations humaines, de reconnaître les émotions des autres et de mieux discerner les siennes. Cela améliore notre efficacité à être en empathie, en connexion, améliore notre budget énergétique, nos capacités cognitives et notre durée de vie.
Pour aller dans cet objectif, j’ai créé un nouveau jeu de société sur les émotions.
Il s’agira de faire trouver des émotions, en incarnant une personnalité (un personnage), qui est dans un contexte. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas du tout facile.
J’ai demandé à des personnes qui savent incarner des émotions, les comédiens impropulseurs de Mulhouse de tester mon jeu… et ce qui est chouette, c’est qu’on a beaucoup rit ensemble… c’est d’ailleurs le but: passer un bon moment et se détendre, tout en s'exerçant à la connexion empathique.
Bonne fin de vacances.
Ludovic
Source principale: « How emotion are made » de la chercheuse en neuroscience Lisa Barrett Feldman. Édition pan. Lisa Barret est la référence mondiale sur ce sujet.
Ci dessous la vidéo de mon jeu avec les impropulseurs.
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